DE HENRI III. [i584]                        -»8l
à Gaillon, étant, il demanda au cardinal de Bour­bon s'il lui diroit vérité de ce qu'il lui demanderoit. A quoy ledit cardinal ayant répondu qu'ouy, pourvu qu'il la sçût; Sa Majesté lui dit : «Mon cousin, vous « voyez que je n'ai pas de lignée, et qu'apparemment « je n'en aurai point. Si Dieu disposoit de moy aujour-« d'hui, [comme toutes les choses de ce monde sont « incertaines, ] la couronne tombe de droite ligne en « votre maison; cela avenant, [encore que je sçaches « que ne le desirez point,] n'est-il pas vray que vous « voudriez preceder votre neveu le roy de Navarre, « [et l'emporter pardessus lui, comme le royaume vous « appartenant, et non pas à lui?] Sire, répondit le te bon homme, je crois que les dents ne me feront plus « de mal quand cela aviendra : [ aussi je prie Dieu de « bon cœur me vouloir appeller devant que je voye un « si grand malheur,] et chose à quoy je n'ai jamais « pensé, pour être du tout hors d'apparence et contre « l'ordre de nature.— Ouy; mais, répliqua le Roy, « vous voyez comme tous les jours il est interverti, [et « que Dieu le change comme il lui plaît.] Si cela donc « avenoit, comme il se peut faire, je desire sçavoir de « vous, et vous prie de me dire librement, si vous ne « le voudriez pas disputer avec votre neveu? » Alors M. le cardinal se sentant fort pressé du Roy, va lui dire : « Sire, puisque vous le voulez et me le comman-« dez, [encore que cet accident ne soit jamais tombé « en ma pensée, pour me sembler éloigné du discours « de la raison ; toutesfois ] si le malheur nous en vouloit tant que cela advint, [je ne vous mentirai point, c< sire:] je pense qu'il m'appartiendroit, et non pas à